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Serious Games, Advergaming, edugaming, training…

Laurent MICHAUD, Responsable du Pôle Loisirs Numériques de l'Idate - Julian ALVAREZ, Docteur en sciences de l'information et de la communication


Serious Games, Advergaming, edugaming, training…Cette étude identifie les caractéristiques, les usages et les différentes familles de serious gaming. Elle met en évidence les enjeux associés aux phases de conception, de développement et de diffusion des différents types de serious games. Elle analyse enfin les perspectives et leviers de développements qu'offre le serious gaming au niveau industriel.

Définir le serious gaming

Il existe une multitude d'approches du serious gaming. En assumant les ambiguïtés et les questions que cela peut soulever, voici l'approche du serious gaming retenue dans cette étude :

la vocation d'un serious game est d'inviter l'utilisateur à interagir avec une application informatique dont l'objectif est de combiner des aspects d'enseignement, d'apprentissage, d'entraînement, de communication ou d'information, avec des ressorts ludiques et/ou des technologies issus du jeu vidéo.

Une telle association a pour but de donner à un contenu utilitaire (serious), une approche vidéo-ludique (game). Elle s'opère par la mise en relation d'un scénario utilitaire avec un scénario ludique.

Les origines du serious gaming

America's Army, développé pour le compte de l'armée étatsunienne et distribuée gratuitement sur Internet depuis 2002, est considéré comme le premier serious game significatif. En 2004, plus de 17 millions de téléchargements étaient recensés. Ce jeu de tir à la première personne propose de simuler des exercices d'entraînement militaire et des missions de combat. Mais sa principale vocation est de valoriser l'armée des Etats-Unis et de servir d'outil de recrutement attractif auprès des jeunes de 16 à 24 ans.

  • Le lien entre le jeu et l'armée n'est pas nouveau : à l'issue de la seconde guerre mondiale, les états-majors de l'armée étaient les principaux utilisateurs de "wargames" et s'en servaient notamment pour valoriser leur image auprès de la population.
  • Aux Etats-Unis, une forte assimilation est faite entre l'appellation "serious game" et les "military games".
  • La promotion de l'industrie du serious game s'inscrit dans une démarche marketing typiquement nord-américaine.

Domaines d'application du serious gaming

À ce jour, l'utilisation du serious gaming est recensée dans de nombreux secteurs.

Secteur de la défense : l'un des plus importants aujourd'hui au niveau des investissements consentis par les donneurs d'ordre. En Europe, le serious est utilisé par les armées mais son usage est moins répandu.

  • Secteur de l'enseignement et de la formation : le serious gaming investit naturellement ce marché. Selon IDC, aux Etats-Unis, fin 2008, 40% des applications d'e-learning utiliseront le serious gaming.
  • Secteur de la publicité : les serious games dédiés à la publicité (advergames) offrent la particularité d'exposer l'utilisateur à une marque ou un produit sur toute la durée d'une partie. Sur le seul territoire des Etats-Unis, le jeu vidéo publicitaire pèse, en 2008, 262 millions USD.
  • Secteur de l'information et de la communication : si l'information est encore anecdotique en termes de marché, la dimension communicationnelle liée à de la publicité (edumarket game) entre dans le marché du in-game advertising, qui pèse 205 millions USD en 2008 aux Etats-Unis.
  • Secteur de la santé : Nintendo a remporté un vif succès avec des applications dédiées à l'entraînement cérébral et au Fitness. Aux Etats-Unis, d'après une étude de SharpBrains, ce marché serait passé de 100 millions USD en 2005 à 225 millions USD en 2007.
  • Secteur de la culture : il représente une part négligeable du serious gaming pour l'instant, mais peut fortement se développer, au travers du tourisme culturel et industriel notamment.
  • Secteur militant : il présente la particularité d'échapper à des modèles économiques : les créations sont souvent faites sans ressource financière dans le seul but d'exprimer un message engagé, à l'instar de September the 12th dédié aux attentats du 11 Septembre.

Différents types de serious games

En tenant compte de leurs intentions principales, les serious games peuvent être répartis en trois grandes catégories :

  • les serious games à message : ils partagent l'intention de transmettre un message dans une visée éducative, informative, persuasive…
  • Les serious games d'entraînement : ils partagent l'intention d'améliorer les performances cognitives ou motrices des utilisateurs.
  • Les serious games de simulation ou serious play : ils partagent la particularité de ne pas présenter d'objectif visant à évaluer les utilisateurs. Par une telle approche, ces applications offrent un panel ouvert d'usages.

Cible visée par le serious gaming

En 2008, le nombre potentiel de joueurs à l'échelle mondiale se situe, selon l'IDATE, entre 600 millions et 1 milliard de personnes. Ce nombre englobe les personnes achetant ou non des applications vidéo ludiques. Si les moins de 25 ans constituent une cible privilégiée, toutes les générations sont visées par le serious gaming :

  • moins de 15 ans : la présence d'un adulte ou d'un cadre idoine sont souvent requis pour conduire ce public à utiliser des serious games.
  • de 15 à 24 ans : ce public est exigeant sur la qualité des titres vidéoludiques et prend pour référence ceux bénéficiant de gros budgets (AAA). C'est son côté joueur occasionnel qui doit être sollicité pour l'amener au serious game.
  • plus de 24 ans : dans la tranche des 25-55 ans, le temps consacré à la pratique du jeu vidéo diminue en fonction de l'âge. Au-delà de 55 ans, le public de joueurs s'accroît à nouveau pour deux raisons majeures : plus de temps disponible et l'envie d'établir des liens avec les petitsenfants. À noter que le serious gaming est aussi utilisé pour stimuler les personnes du 4ème âge dans certaines maisons de retraites.

Les commanditaires du serious gaming

Les plus gros commanditaires sont actuellement l'armée et le gouvernement des Etats-Unis. Elles financent les plus importantes productions et promeuvent l'industrie du serious gaming. On recense également les partis politiques, les entreprises, les institutions publiques et privées, les éditeurs…

La chaîne de valeur du serious game

L'industrie du serious game est polymorphe car elle regroupe toutes les niches et marchés qui instrumentalisent le jeu vidéo pour viser des objectifs s'écartant du seul divertissement. La chaîne de valeur fait intervenir les trois grandes catégories d'acteurs suivantes :

  • les développeurs : ils fabriquent le contenu des serious games ou les personnalisent dans le cadre de segments B2B, B2C et B2B2C. Pour l'instant, aux Etats-Unis et en Europe, ce sont plutôt une majorité de PME voire de TPE et des freelances qui composent ce maillon. Ce sont généralement des "pure players" du serious game. Ils ne viennent pas du jeu vidéo, plutôt de la communication, du développement et de l'édition de logiciels métiers.
  • Les éditeurs : ils prennent à leur charge les frais de publication, de marketing et de conditionnement des serious games, tant pour la vente physique que dématérialisée. Sont également répertoriés à ce niveau des développeurs/ éditeurs qui produisent en interne leurs propres titres. Il n'existe à ce jour pas d'éditeur "pure player" de serious games tant la diversité des champs d'application est vaste.
  • Les diffuseurs : on préférera parler de diffusion plutôt que de distribution car bien souvent les serious games sont fournis par des structures qui ne sont pas liées à l'activité de distributeur. Ainsi l'armée américaine ou bien la NSA diffusent au grand public leurs serious games. La diffusion s'opère principalement via Internet, ce qui nous fait dire que la dématérialisation du serious game est bien plus avancée que dans d'autres segments du jeu vidéo.

Les modèles économiques du serious gaming

Trois types de segments ont été identifiés sur le marché du serious game.

  • Le segment B2B Le modèle par commande repose sur une demande formulée moyennant finance par un commanditaire auprès d'un prestataire représenté par toute entité, à l'exception d'un particulier, qui soit à même de concevoir et de développer un serious game. Ce dernier se destine à l'usage du seul commanditaire. Le modèle par vente de licence repose sur la mise à disposition moyennant finance d'une application produite par un éditeur, une société, un indépendant, une association ou une institution publique ou privée auprès de toute entité, à l'exception d'un particulier. L'application est ici, soit un serious game prêt à l'emploi - personnalisable ou non -, soit un logiciel de création permettant de générer un serious game, soit encore un serious game intégré au sein d'une application ou un produit tiers. Le modèle consulting/formation se base sur le service qui consiste à former les concepteurs et les développeurs d'une institution publique ou privée aux approches du serious gaming, in situ, durant les différentes phases de production de l'application.
  • Le segment B2C : le modèle éditeur/ développeur repose sur l'initiative d'un éditeur, d'une société, d'un indépendant, d'une association ou d'une institution publique ou privée, qui va concevoir, développer et proposer directement à la vente, sans demande ou commande préalable, un serious game prêt à l'emploi - personnalisable ou non - auprès de tous types de consommateurs.
  • Le segment B2B2C : on retrouve ici les trois modèles économiques du B2B. La différence étant que le commanditaire joue ici le rôle d'un intermédiaire entre le développeur et le consommateur du serious game.

Les modèles de diffusion du serious gaming

La diffusion des serious games peut s'opérer selon trois types d'approches :

  • la diffusion gratuite : basée essentiellement sur le webmarketing, qui englobe toutes les stratégies marketing liées au support Internet ;
  • la diffusion "semi-gratuite" : principalement axée sur les plus produits, les demoware, shareware et trialware, ainsi que sur les communautés virtuelles.
  • la diffusion commerciale : elle s'appuie sur la vente physique et dématérialisée ainsi que sur la consultation de serious games dans un lieu restreint.

Le marché du serious game aux Etats-Unis

Aujourd'hui l'armée et le gouvernement représentent les principaux commanditaires sur ce marché. Cela s'explique notamment par le Small Business Act, qui permet aux PME d'accéder à des marchés allant de 2 500 à 100 000 USD. Dans ce registre, bon nombre de commandes sont des serious games. Ce marché ne doit pas occulter celui de l'industrie et des institutions privées, qui passent aussi commande de serious games. Quant aux grands acteurs du jeu vidéo, ils ne se sont pas encore vraiment positionnés sur ce marché aux Etats-Unis.

Le marché du serious game en Europe

Plus jeune que celui des Etats-Unis, ce marché trouve une dynamique principalement au Royaume-Uni, en Scandinavie, en Allemagne et en France. L'Europe ne bénéficie pas réellement d'un appui politique fort pour développer actuellement ce marché, même s'il existe des initiatives locales qui tentent de le dynamiser. À noter cependant le Pacte PME, "l'équivalent" français du Small Business Act, qui a été lancé le 1er août 2006. Il convient probablement d'atteindre l'effet de cette mesure. Enfin, si le modèle économique de type éditeur/développeur est assez peu aidé en Europe, celui de type commande semble par contre se développer de plus en plus dans les domaines de l'e-learning, de la formation industrielle et de l'advergaming.

Perspectives et enjeux

L'approche du serious gaming est aussi ancienne que l'industrie du jeu vidéo. Ce vocable est avant tout une approche marketing. Cependant l'appellation "serious game" peut aider le jeu vidéo à mûrir et à se diffuser dans de nouveaux contextes d'usage qui en ont une nécessité prégnante et croissante.

Cela ouvre trois perspectives, en particulier :

  • Perspectives de diffusion : la téléphonie mobile, les consoles de jeux et les micro-ordinateurs sont tous trois indispensables pour diffuser des serious games. L'évolution de ces appareils permettra celle du serious gaming sur le plan industriel et celle des usages.
  • Perspectives technologiques : Cela concerne notamment les appareils appelés à se développer, comme le tableau blanc interactif et la dimension ubiquitaire.
  • Perspectives métiers et interfaces : le marché du serious game devrait engendrer des réorganisations dans la chaîne de valeur horizontale. Dans les segments du B2B et du B2C, des acteurs de grande taille issus du jeu vidéo devraient s'orienter de plus en plus vers le serious game. Ils devront pour ce faire intégrer de nouveaux métiers et une nouvelle organisation dans la commercialisation et le support de vente des contenus. La création d'une entité séparée semble être à cet égard une approche à privilégier. Les acteurs de petite taille devraient pouvoir tirer leur épingle du jeu, disposant d'une expertise métier leur assurant de proposer des scénarii utilitaires pointus.

Télécharger l'étude complète - 91 pages au format PDF - 3,5 Mo : http://ja.games.free.fr/ludoscience/PDF/EtudeIDATE08_VF.pdf

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